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AFFAIRE NDEYE GUEYE : DROLE DE JUSTICE

(WalFadjri, 27 septembre 2007)

La division des investigations criminelles (Dic) fait encore parler d’elle après l’arrestation de participants à une soirée privée dénommée « Goudi Town - Concours yeungeul down » dans une boîte de nuit à Dakar.

On apprend que la danseuse Ndèye Guèye, dont carrière et la vie privée risquent d’en prendre un coup, et les autres sont poursuivis pour outrage public à la pudeur, attentat aux mœurs, diffusion publique de films à caractère pornographique et association de malfaiteurs. On peut alors se demander si la Dic ne doit pas être poursuivie pour les mêmes motifs, elle qui a choisi le mois de ramadan pour inciter les gens à regarder une vidéo qu’elle juge obscène, car il est clair qu’avec de telles arrestations et tout le tollé qu’il y a autour, beaucoup, dont moi-même, l’ont regardée pour se faire une idée. Rappelons que les faits ont eu lieu en 2005, même si l’on n’en parle que depuis juillet 2007. La Dic pouvait donc agir avant ou après le ramadan.

D’aucuns disent que les femmes étaient nues, et des journalistes parlent de danse ou vidéo pornographique. Où vont-ils chercher tout cela ? N’ont-ils pas regardé la vidéo avant d’écrire ? Quand on lit « pornographique », on pense bien entendu aux films dits X qui sont projetés certaines salles de cinéma et aux vidéos du même style qui circulent librement dans le pays et sur le net. Certes les danseuses étaient en tenue très légères, surtout l’une d’elles, mais elles n’étaient pas nues. Quant à la danse, loin d’être pornographique, elle n’en demeure pas moins vulgaire, dégradante.

Choqué et affligé de voir ces femmes se rabaisser à ce point pour quelques minables sommes d’argent, je trouve néanmoins que la Dic est allée trop loin. Il ne faut pas exagérer. Les « danses des fesses » ne datent pas d’hier, mais elles deviennent de plus en plus obscènes. Il y a eu, entre autres, le « taatu lawbe », le « arwatam », le « ventilateur », le « lëmbël » et maintenant le « Thiébou dieune ». Quant aux tenues impudiques, on en voit partout.

Ndéye Guéye (on ne parle que d’elle), qui n’avait reçu que le quatrième prix, dit s’être évanouie quand elle a appris que sa famille était au courant. Il est clair qu’une Sénégalaise ne se permettrait pas de faire la diffusion publique d’un film « pornographique » dans lequel elle est actrice. La Dic devrait plutôt poursuivre ceux qui ont mis la vidéo sur le net et ceux qui vendent les Cd, eux qui ont « gâché la peau » de ces filles qui, apparemment, ne savaient même pas qu’elles étaient filmées. (A un moment donné, on entend une voix d’homme dire au caméraman amateur : « … yaa ngi continuer jël ? Han ? » (Tu continues à filmer ?) Le bon sens nous dit que la vidéo a été réalisée à l’insu des danseuses et diffusée sans leur autorisation. Mais la danseuse qui a osé porter plainte a été arrêtée. Ce que la Dic vient de faire signifie que si l’on filme avec une petite caméra ou même un téléphone portable une séance de sabar, kasag, tann béér ou un xaxar lors d’un mariage où les scènes obscènes ne manquent pas, il suffit de mettre ça sur le net et sur Cd pour que tous les participants aillent en taule. Que dire donc des clips à la télé, qui font entrer l’outrage à la pudeur dans les maisons ?

La Dic, devenue « brigade des mœurs », a désormais du pain sur la planche. Il faudra alors construire des prisons dans chaque quartier car bien pire que ce que ces femmes ont fait dans une boîte de nuit, se fait en plein jour et en plein air. Et sur le net, on trouve des danses sénégalaises que l’on peut vraiment qualifier de pornographiques. Mais ce serait injuste de ne mettre que les pauvres gens en taule. Pourquoi s’acharner sur Ndéye Guéye ?

Le joueur de football El Hadj Ousseynou Diouf, un modèle pour bon nombre de jeunes, idole des enfants, fait scandale dans une boîte de nuit à Dakar, à quelques jours du mois béni, demandant aux jeunes filles de montrer leurs fesses, mais n’est guère inquiété.

Walf Grand-Place rapporte : « Pour terminer la soirée en beauté, j’invite les filles à un concours de danse et Diouf est le président du jury », déclare DJ Edouardo, initiateur de la danse. Cependant, face à l’hésitation des filles, Diouf s’empare du micro pour galvaniser les troupes. El fenomeno sort alors les bourdes… phénoménales. « montrez vos fesses car sans les fesses, on ne peut pas faire la fête », lance-t-il. Et d’insister : « S’il vous plait, faites ce que je vous dis. » Le Comble ! Des jeunes filles de 14 à 16 s’exécutent pour le grand plaisir du « vagabond ». Mais, pour se qualifier, il faut rivaliser de déhanchements. Incitation à perversion ? En tout cas les jeunes filles, elles, cherchent à impressionner le capitaine des Lions et les spectateurs par leurs fesses. « Tu as quel âge ? » demande Diouf à une des danseuses. Cette dernière n’aura même pas le temps de répondre que le footballeur martèle : « De toute façon, d’ici deux ans vous serez grandes. On s’en fout. » Aussi, « les meilleures seront récompensées. Paco Jackson Thiam a mis un million sur la table ainsi que le producteur Babacar Lo qui a déboursé une grosse somme », souligne Diouf avant de souhaiter « que la meilleure gagne… » Imaginez ce qui doit suivre. Et le concours peut se poursuivre pour ne prendre fin qu’à 6 heures du matin. » Messieurs les agents de la Dic, ne trouvez-vous pas que ceci est plus grave que le concours auquel ont participé ces femmes majeures et vaccinées aujourd’hui sous les verrous ? Justice à deux vitesses ?

Dans la même lancée, citons le cas Akon (Alioune Badara Thiam). Ce rappeur, star internationale, qui se montre avec les couleurs du Sénégal, a fait sur scène des simulations sexuelles sur une gamine de 14 ans, fille d’un prêtre. Cela avait choqué le monde tout entier. Mais quand il vient au Sénégal, il est reçu par le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade en personne.

Et signalons que certains de nos dirigeants n’ont pas les mœurs exemplaires et méritent plus que ces pauvres danseuses, cette ignominie dont la Dic les couvre.

C’est comme incarcérer les voleurs de poules et laisser tranquilles les détourneurs de milliards.

Qui dit que nul n’est au dessus de la loi ?


Bathie Ngoye Thiam.


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