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LES BELLES VILLAS DE DAKAR

(Wal Fadjri, juin 2003)

On dit que quand le bâtiment va, tout va. Qu’est donc ce qui ne va pas à Dakar ?
L’épris d’architecture risque une overdose en se promenant dans les rues de notre capitale. Partout où l’on tourne le regard, on ne voit que de belles villas ou des chantiers de belles villas, même dans les quartiers les plus démunis. La richesse des formes, les espaces et les couleurs témoignent d’une incontestable ingéniosité dans la créativité. Comment des êtres aussi inventifs peuvent-ils être nécessiteux ?
Où il y avait des taudis, il y a une vingtaine d’années, on voit fleurir de splendides villas qui poussent, telles des champignons. Des gueux qui construisent du luxe, n’est-ce pas le monde à l’envers ?
Où sont donc tous ces pauvres censés peupler l’Afrique ?
Je n’ai pas fait toutes les villes du monde, mais je sais qu’il n’y a aucune grande ville européenne où les habitants vivent presque tous dans de telles villas. (Ils logent le plus souvent dans des appartements. F2, F3, etc.) Et dire que nous sommes des sous-développés ! S’agirait-il d’un sous développement politique ?
C’est sûr que les occidentaux au cœur sur la main, qui se lancent dans des opérations humanitaires pour nous aider (à cause de la misère qu’ils voient à la télé), mourraient de stupéfaction s’ils savaient que nous vivons dans plus de confort qu’eux. 99 pour cent des habitants des pays dits riches ne peuvent même pas se permettre de rêver de de telles villas. De quoi donc nous plaignons-nous ?
Les émigrés construisent et louent des villas. Du côté de Louga aussi, dit-on, les innombrables villas rivalisent de beauté.
Pendant ce temps, le sable dévore les routes de Dakar, les mendiants et les enfants talibés assaillent les passants. Ces villas dans un tel décor sont comme du parfum sur une truie.
Je me pose tout de même une question : « Est-ce qu’il suffit de belles villas pour faire avancer un pays ? »

Bathie Ngoye Thiam


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