(Wal Fadjri, 24 avril 2006)
A regarder les images de la « visite » d’Idrissa Seck
à Kaolack et à écouter ses déclarations, on dirait
un futur président extrêmement imbu de sa personne. Mais qui
croit-il impressionner ? Il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser. Si
Saa Neex paradait ainsi, avec un cortège de voitures roulant au pas,
coups de klaxon et musique, une foule de badauds l’aurait suivi à
travers la ville et il serait même bien accueilli à Nioro. Nul
besoin de s’allier à tel ou tel marabout politicien. De plus,
Saa Neex aurait un vrai sourire, au lieu de montrer ses dents tout en laissant
la malice briller dans ses yeux. Même Farba Senghor aurait drainé
du monde. Donc pour une démonstration de force…
Idy, qui se croit investi d’une mission (divine ?), déclare :
« … j'ai pu prendre l’exacte mesure de la détresse
paysanne. J'ai pu écouter toutes les populations me dire à la
fois leurs angoisses et leurs espérances. C'était le but de
ma mission qui est préparatoire à notre profession de foi. »
Eh bien ! Ce n’est pas trop tôt, monsieur l’ex-premier ministre,
ex-numéro 2 du Pds pendant des années. Si en tant que ministre,
il n’était pas au courant de l’ampleur de cette détresse,
on peut se demander ce qu’il en sera quand il sera président.
Oui, j’ai bien dit « président » car c’est
le rêve de monsieur. Que dis-je ? Rêve ? Mais non, c’est
écrit dans son destin. Ecoutons-le un peu : « Je ne parle pas
de troisième pôle. Ce que je suis en train de construire, c'est
la première force politique du Sénégal sur laquelle je
m’appuie pour atteindre l'objectif d'occuper la station présidentielle.
» On ne peut être plus clair. Monsieur est né pour être
président. Mais quand l’ambition atteint certaines proportions,
elle phagocyte cette qualité qui fait les grands hommes et que l’on
appelle « modestie ». Soyez humble, monsieur Seck, il n’y
a pas que vous au Sénégal. D’autres se battent depuis
des décennies pour un Sénégal meilleur sans jamais avoir
été partisans de ce régime que vous guerroyez aujourd’hui
uniquement parce qu’il vous a rejeté.
Dans ses attaques contre Wade, il nous bassine avec ses sourates et cette
boutade « Je l’ai créé. » Franchement, Idy,
arrêtez de nous prendre pour des demeurés. « Sans moi,
Idy ne serait rien dans l’arène politique », voilà
ce que Wade a voulu dire. Seul un esprit mal intentionné peut lui donner
un autre sens en se servant de la religion pour travestir ces paroles si véridiques
et chercher bassement à éluder le vrai débat.
Concernant nos milliards qui se seraient évaporés, il continue
de nous parler de l’extinction du soleil et prétend que le dossier
est clos depuis le premier jour. Ey waay Ngoorsi, tenez-nous un autre discours,
waay ! Où sont passés les milliards ? Ce n’est pas parce
qu’il n’y a pas de preuves qu’il n’y a pas de crime.
Nous le savons tous, il y a des criminels qui circulent en toute liberté,
faute de preuves.
Ce n’est pas avec de la mystification qu’on accède au pouvoir.
Que les avocats du diable ne cherchent pas à nous faire croire qu’Idy
n’a rien à voir avec l’argent des chantiers de Thiès.
Wade a bel et bien dit qu’une somme lui avait été accordée,
mais qu’il en avait pris presque le double. Jusqu’ici personne
n’a démenti cela et Idy a déclaré qu’il y
a une histoire d’argent entre Wade et lui. On peut donc penser qu’il
y a les mains trempées jusqu’aux coudes.
Quant aux 27 partis politiques qui seraient derrière lui, on n’attend
qu’à voir la liste, persuadé qu’il ne s’agit
que d’une perfide manipulation. Et pour ce qui est des Sénégalais
de la diaspora qui le plébisciteraient, cela m’étonnerait
qu’ils soient légion...
Une chose est claire : Idy veut être président et semble prêt
à tout pour y parvenir. Même si Dieu descendait sur terre pour
diriger le Sénégal, Mara serait capable de lui dire : «
Mets-toi derrière moi, je te nommerai ministre dès que j’aurai
ce pouvoir qui m’empêche de dormir. » Je crois que cet homme
n’a plus sa place à Reubeus-City, mais l’hôpital
Fann. Oui, le pouvoir rend fou. Si un tel homme entre au palais, il faudra
sans doute un bain de sang pour l’en sortir. Se croire le seul capable
de gouverner est le trait caractéristique d’un dictateur et se
croire plus malin que tout le monde mène à la folie. A bon entendeur…
Il avait dit qu’il n’allait jamais se présenter contre
Wade. Maintenant qu’on l’accuse de se dédire, il avance,
à demi-mots, que Wade ne sera pas candidat, alors qu’on se souvient
avoir entendu le chef de l’État déclarer sa candidature,
lors d’un de ses innombrables voyages à Paris. Si Idy détient
d’autres informations, c’est parce qu’il a un réseau
d’espionnage, genre KGB ou CIA, ce qui serait grave et dangereux, ou
c’est l’archange Djibril qui lui parle dans son sommeil. (J’espère
qu’il y a encore de la place à Fann.)
Ce que je déplore surtout est l’usage abusif que le maire de
Thiès fait du Coran, à des fins, pour le moins, douteuses. Même
pour dénigrer ses adversaires ou leur lancer des flèches empoisonnées,
il se sert de versets coraniques.
Avec « son » argent qui semble lui être tombé du
ciel, il ferait mieux de construire une mosquée et d’en être
l’imam. Peut-être qu’il aurait ainsi des millions de disciples
qui se mettraient à genoux devant lui et il n’aurait plus besoin
de courtiser les marabouts pour bénéficier de leur soutien.
(Mais a-t-il déjà effectué le pèlerinage à
la Mecque - cinquième pilier de l’islam -, lui qui en a les moyens
?)
Un conseil, Mara : on ne joue pas avec le Livre et Dieu n’aime pas les
orgueilleux. Arrêtez de vous prendre pour le Messie. Quelqu’un
qui veut vraiment servir la Nation ne se croit pas au-dessus de tous et ne
cherche pas à prendre le pouvoir à tout prix.
Hàritha Ibn Wahb rapporte: « J'ai entendu le Messager de Dieu
(PSL) dire : « Voulez-vous que je vous dise qui sont les gens de l'Enfer
? Toute brute, tout individu suffisant et se prenant pour un grand homme.
»
Si votre main est propre, Idy, posez-la sur le Coran et jurez que vous n’avez
pas détourné l’argent des Sénégalais que
vous voulez diriger à tel point que vous en êtes malade. Mais
il me semble que vous n’osez pas le faire, préférant nous
balancer des versets à tout bout de champ. Il y a là un paradoxe
qui laisse le peuple fort perplexe.
Bathie Ngoye Thiam