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Affaire Idy : Faut-il attendre l’extinction du soleil ?

(Wal Fadjri, 08 mars 2006)

« Peut-être qu’avec le soutien du peuple sénégalais j’arriverai à avoir un jour les destinées de notre Nation. » Ces paroles de l’ex-prisonnier ont sûrement fait tressaillir plus d’un patriote.
Bénéficiant d’un non-lieu partiel, Idrissa Seck n’en demeure pas moins un homme bien chargé. Farba Senghor dit qu’il reste un voleur, Pape Samba Mboup l’accuse d’avoir essayé de s'emparer du pouvoir d'un homme qui a été élu au suffrage universel, Ousmane Ngom déclare qu’il a commis des crimes économiques, mais il semble que rien de tout cela ne l’ébranle.
Si un politicien est quelqu’un qui sait séduire par des discours grandiloquents et tourner autour du pot pour éluder les vrais problèmes, Idy en a assurément l’étoffe, avec son charisme que nul ne peut nier. A peine sorti de Reubeus-City, le voilà plus que jamais déterminé à poursuivre son combat qui, selon lui, ne fait que commencer. Et il ne cache pas son ambition de tenir les rênes du pays. Il n’y a pas à dire, cet homme est né pour devenir président de la République. Doit-il regagner le PDS pour y arriver ou doit-il créer son propre parti ? Est-ce que sa libération a été négociée ? A-t-il rencontré Wade à Paris ? Des questions pour ceux qui aiment polémiquer et supputer. Mais le peuple est moins intéressé par les rapports d’Idy avec son « père » que par les dizaines de milliards des contribuables qui se seraient évaporés. Idy, qui convoite le pouvoir, doit d’abord faire la lumière sur cette affaire. Mais il se contente de nous servir des réponses du style « Jusqu’à l’extension du soleil, c’est-à-dire tant de milliards de francs, pardon d’années, personne ne pourra prouver que j’ai volé. » Cela peut signifier « Je n’ai rien volé », ce qui serait louable, tout comme il peut signifier « J’ai volé, mais nul ne peut le prouver », le crime parfait. Ah non ! Ngoorsi, vous êtes bien pédant, nul n’en disconvient, mais on ne vous demande pas de prédire la fin du monde ni de nous faire attendre l’extinction du soleil. Avez-vous volé notre argent ? La question étant simple et directe, la réponse doit être « oui » ou « non », pas de versets du Coran ni de citations et métaphores à n’en plus finir.
Cuisiné par les enquêteurs, il nous sort : « Une histoire d’argent m’oppose à Wade et seul lui et moi savons », après nous avoir parlé des grands bandits qui ne se disputent qu’au moment de partager le butin. Il y a là de quoi frissonner d’inquiétude pour l’avenir du pays. Monsieur rêve de nous diriger alors que nous le soupçonnons de ne pas être blanc comme neige. Tout ce qu’il trouve à déclarer, c’est qu’il « s’engage à continuer à servir la nation sénégalaise. » C’est bien beau, pourvu qu’il rende d’abord des comptes à cette nation dont la confiance s’est émiettée. Même ses partisans les plus « Fidèl(es) » doivent se dire qu’il y a anguille sous roche.
Pendant qu’on lit dans les journaux qu’il aurait déboursé 520 millions de nos francs pour payer sa horde d’avocats sénégalais, il « s’explique » devant ses supporters à Paris : « J’ai déjà eu l’occasion de le dire à certains d’entre vous venus me voir à la prison centrale de Dakar, venant de France, de Suisse, des Etats-Unis. Je leur ai dit ce que le jeune général Bonaparte avait déclaré à son aide de camp qui voulait tenter une évasion lorsqu’il fut emprisonné au Fort carré d’Antibes. Il lui a dit : «Mon cher ami, les hommes peuvent être injustes envers moi, mais il me suffit d’être innocent. Ma conscience est le toit du monde où j’évoque ma conduite. Cette conscience est calme quand je l’interroge. Ne faites rien qui ne pourrait me compromettre. »
Si l’on relit bien, on s’aperçoit qu’il n’a pas parlé de sa conscience, mais de celle de Napoléon. Monsieur a vraiment l’art de jouer avec les mots et mérite un diplôme pour cela, lui que d’aucuns accusent de s’être attribué des diplômes qu’il n’a jamais eus.
Celui que l’on surnomme « Mara » a réussi à charmer beaucoup de Sénégalais en leur donnant l’image d’un musulman irréprochable. Démagogie ou foi sincère, allez donc savoir. En tout cas, ses discours ont des allures d’exposés sur les versets coraniques. Et dès qu’il a humé l’air de la liberté, il s’est empressé de faire le tour des villes saintes pour gagner la confiance des chefs religieux.
Quand un tel homme est accusé d’un vol qu’il n’a pas commis, on s’attend naturellement à le voir poser sa main sur le Livre, comme il dit, et clamer son innocence, au lieu de citer Bonaparte et Pompidou.
Idy, notre cher Idy national, qu’est-ce qui vous empêche de jurer publiquement, sur ce Coran que vous révérez tant, que vous n’avez pas détourné de deniers publics ? J’imagine que beaucoup de Sénégalais se posent cette question.
Même Karim Wade, qu’on ne risque pourtant pas de prendre pour le Prince des croyants, et qui n’en a guère la prétention, serait prêt à se rendre au tribunal avec le livre saint pour jurer que Youssou Ndour lui avait demandé d’intervenir auprès de son père afin que 300 millions de nos francs lui soient octroyés. Alors, Mara, qu’attendez-vous ?

Bathie Ngoye Thiam


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