(Wal Fadjri, 25 octobre 2003
LE SOLEIL, 14 novembre 2003)
Depuis des mois, le peuple américain ne veut qu’une chose :
le retour de ses fils qui s’embourbent en Irak, pays où ils ne
savent ni pourquoi ils y sont, ni pour combien de temps. Ces soldats, ne cessant
de tomber dans les pièges des combattants contre l’occupation,
ont le moral si bas et sont tellement stressés qu’ils en sont
arrivés à se suicider. Un taux anormalement élevé
de suicide, dit-on.. Ce stress atteint aussi leurs familles. Près de
la moitié des soldats engagés en Irak ne veulent pas renouveler
leur contrat une fois rentrés au pays. Et on apprend que 478 soldats
ont été renvoyés dans leurs familles par les autorités
militaires en raison de leur santé mentale. Pendant ce temps, l’Etat
Major américain diffuse des « documentaires » montrant
des soldats « fiers et heureux » d’accomplir leur «
mission » en Irak. Propagande quand tu nous tiens !
Bush perd de la popularité, ne sait plus comment s’en sortir
et se retourne vers la communauté internationale qu’il avait
méprisée pour demander main forte. Et Tony Blair, tout le monde
le sait, est dans de beaux draps en ce moment. Nous savons tous qu’on
nous avait donné de fausses informations savamment « prouvées
» pour attaquer l’Irak. Tous ceux qui avaient soutenu Bush dans
sa croisade ou « guerre contre le terrorisme », notamment lors
des terribles bombardements dont le peuple afghan a fait les frais, se rendent
compte que rien ne justifie l’occupation de l’Irak, qui ne représentait
nullement une menace pour l’Amérique et n’avait aucun lien
avec Al-Qaïda, deux « raisons » qui ont été
avancées pour déclencher les hostilités.
Maintenant, il faut l’occuper et s’emparer de son pétrole,
entre autres.
C’est alors que Bush reçoit une bouée de sauvetage «
inespérée ». Ben Laden sort des cassettes « destinées
au peuple irakien », plus cinglantes que celles de Talla Sylla. «
Nous allons poursuivre les opérations suicide à l'intérieur
des Etats-Unis et à l'extérieur pour que vous cessiez votre
injustice.(…) Nous nous réservons le droit de riposter au moment
et au lieu opportuns contre tous les pays participant à cette guerre
injuste, en particulier la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Australie, la Pologne,
le Japon et l'Italie. » Ces cassettes audio attribuées au Saoudien
prouvent que le « terroriste » flirte avec l’Irak et donnent
ainsi à Bush les arguments, preuves et raisons nécessaires pour
continuer tranquillement sa besogne. Oussama joue le jeu de son ennemi et
apporte de l’eau à son moulin chaque fois qu’il traverse
des moments difficiles. Je trouve cela fort étonnant de la part d’un
tel stratège. ( On se souvient des précédentes «
interventions sonores » de Ben Laden, juste avant la « guerre
», démontrant l’existence de ses rapports avec Saddam Hussein.
Il n’y manquait qu’un montage photographique montrant les deux
hommes en train de s’embrasser.)
L’observateur ne peut s’empêcher de se demander si c’est
vraiment Ben Laden qui envoie ces « bouquets de fleurs » à
Bush. Si Ben Laden est encore en mesure de parler, on se serait attendu à
ce qu’il dénonce ce devant quoi le monde tout entier ferme les
yeux de peur sans doute d’offusquer « le roi de la terre »
: la détention illégale et inhumaine des prisonniers de Guantanamo.
Même les négriers avaient plus de respect pour les Droits de
l’Homme et ne prétendaient pas combattre le terrorisme. Ou bien,
il aurait pu parler de l’État d’Israël qui, puissamment
armé par les USA, se permet d’occuper les terres d’autrui,
de tuer avec des « armes intelligentes de destruction ciblée
» et de violer les résolutions de l’ONU en toute impunité,
sachant que le veto américain est toujours là pour lui. Et on
sait que critiquer Israël revient à être taxer d’antisémite.
Bush vient d’ailleurs de s’en prendre vivement à quelqu’un
qui a dit que « les Juifs dirigent le monde par procuration. »
Mais Ben Laden, lui, « dit » ou on lui fait dire, exactement ce
qui arrange Bush et ses alliés. Les familles américaines qui
s’impatientent n’ont qu’à entendre ces « messages
» pour se calmer et approuver les manœuvres de leur chef de guerre.
Mais si c’est bien Ben Laden qui avait commandité l’attentat
contre le World Trade Center, il me semble qu’il ne l’avait pas
auparavant crié sur les toits. Allez donc y comprendre quelque chose
!
Quoiqu’il en soit, il est maintenant clair que les Irakiens qui s’opposent
à la présence américaine sur leur sol ne sont que des
terroristes à la solde de Ben Laden. On peut donc les mater, avec l’approbation
de la communauté internationale.
Après cette aubaine que sont ces fameuses cassettes, Bush s’est
empressé de déclarer que « la guerre contre le terrorisme
continue » et « qu'il faut continuer de coopérer. »
Même quand il se rend en Asie pour des discussions économiques
(Apec), il parle, en messie chargé de libérer le monde, de sa
guerre contre « l’axe du mal » et du soutien que les autres
doivent lui apporter s’ils ne veulent pas compter parmi ses ennemis.
Et voilà les Nations unies encore une fois sur la sellette, l’ONU
dont le Conseil avait voté, le 22 mai 2003, une résolution donnant
aux forces américano-britanniques le contrôle de l'économie
et de l'avenir politique de l'Irak, tout en reconnaissant le caractère
illégal de l’invasion et de l’occupation. Non satisfait
de cela, Bush a réussi à faire adopter par les quinze membres
du Conseil, à l'unanimité, un projet de résolution qui
fait des forces d'occupation en Irak une « force multinationale »,
sous commandement unifié américain, autorisée par l'ONU.
« Le montage pourrait paraître illégal au regard du droit
international, mais le Conseil étant lui-même "source de
droit", rien ne peut lui être opposé.» (Le Monde.
17-10-03)
Le sang américain étant trop précieux, des soldats d’autres
pays iront ainsi mourir en Irak ou ailleurs, ou y accomplir de sales besognes
pour que Bush arrive à ses fins. Bientôt, on entendra Ben Laden
à Cuba que Bush veut « libérer », en Syrie qu’Israël
provoque, en Iran, etc. Prions donc pour que Gorgui n’envoie pas nos
frères et nos fils mourir pour l’oncle Sam. (Le ramadan est une
bonne occasion.)
Rappelons-nous quand même que Ben Laden, que d’aucuns supposent
mort depuis belle lurette, avait coutume de diffuser des cassettes vidéo.
L’authenticité des cassettes audio qui, de nos jours, lui sont
attribuées restent plus que douteuses. Des chercheurs suisses avaient
révélé, peu avant l’invasion de l’Irak, que
« cette voix » n’était pas celle du Saoudien. L’information
passa, pour ainsi dire, sous silence. Rien de surprenant quand on sait que
d’après RSF qui met les Etats-Unis et Israël sur la liste
des pays ne respectant pas la liberté d’expression : «
Les exactions répétées de l'armée israélienne
contre des journalistes dans les territoires occupés et la responsabilité
de l'armée américaine dans la mort de plusieurs reporters pendant
la guerre en Irak sont des actes inadmissibles pour deux nations qui ne cessent
de rappeler leur engagement en faveur de la liberté d’expression.
»
La CIA affirme, à la suite d’une « analyse technique »,
que le dernier enregistrement audio attribué à Oussama Ben Laden
est authentique. Et Bush, vainqueur sans péril, nous annonce que «
ce monde reste dangereux. » (Je me demande s’il a des miroirs
chez lui.)
Mais la meilleure est que l’Amérique demande au reste du monde
de donner « généreusement » des milliards de dollars
pour reconstruire l’Irak. La somme totale nécessaire est estimée
à plus de 56 milliards. Qui a détruit ? L’Amérique.
Qui va reconstruire et empocher les sous ? L’Amérique. Même
les Irakiens sont exclus de la « reconstruction » de leur pays.
Et on se souvient que les proches de Bush se disputaient la « reconstruction
» bien avant la pluie des bombes sur l’Irak. Aucune organisation
criminelle n’a encore atteint ce stade.
Bathie Ngoye Thiam