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SERIGNE MODOU MBACKE BARA DOLY, RETOURNEZ AU « DAARA ».

(Wal Fadjri, 1er décembre 2009)

Honorable marabout, le vendredi 27 novembre 2009, le journal Wal Fadjri a publié vos fracassantes déclarations et nul n’est allé saccager ses locaux. Permettez-nous donc de vous répondre en vous priant de bien tenir les rênes de vos disciples afin qu’ils n’usent pas de violence en guise d’arguments.
Pendant que le peuple est transformé en bétail qu’on emmène à l’abattoir, il est évident qu’entendre un marabout, de surcroît le président des guides religieux du Sénégal, défendre les bouchers, peut choquer plus d’une âme. Votre attitude, Serigne Modou, remet sur la table la question qui dérange : « A quoi servent nos marabouts ? » Rappelons qu’au Sénégal actuel, marabout est synonyme de saint, et pour être marabout, il suffit de naître dans telle ou telle famille ou d’être nommé « Cheikh ». Avant, les guides spirituels éduquaient leurs disciples, les mettant sur le droit chemin qu’eux-mêmes, ils suivaient. Serigne Touba a écrit : « Celui qui connait Dieu t’ordonne pour ton intérêt et le sien, t’interdit pour votre préservation, à vous deux, contre le mal », « Un bon guide spirituel ne trahit jamais l’enseignement de l’intercesseur (Muhammad-Psl) », « Quiconque suit un guide spirituel incapable, sera retenu. »
On ne peut pas représenter un saint et faire le contraire de ce qu’il recommande. Mais, certains « taalibe », fanatiques, osons le dire, se muent en esclaves, croyant ainsi plaire à Dieu et s’assurer des palais au paradis. En échange, les marabouts prient pour eux. Doit-on en déduire que Dieu appartient aux marabouts et n’entend que leurs prières ?
            Heureusement, tous les marabouts ne sont pas pareils. Quand des compatriotes pataugeaient dans les eaux des inondations, en proie aux délestages et à l’insécurité, sous les yeux indifférents des autorités politiques et religieuses, le khalife général de Bambilor, Thierno Amadou Bâ, était monté au créneau pour taxer le gouvernement d’incapable et les marabouts de corrompus. « Le président Wade a réussi à faire taire certains marabouts. A cause de l’argent reçu, certains marabouts sont devenus aphones. C’est dommage pour un pays comme le Sénégal, qui était cité en référence dans le monde islamique, qu’aucune autorité religieuse ne puisse parler des souffrances du peuple », avait-il dit. A vous entendre parler, Serigne Modou Mbacké Bara Doly, il est difficile de ne pas lui donner raison.
Le journaliste qui vous a interviewé signale que la première chose qui frappe le visiteur qui entre chez vous, c’est le grand poster de Karim Wade. Hum ! Est-ce le Q.G. de la Gc ? Ne trouvez-vous pas que d’autres symboles seraient plus appropriés au domicile d’un marabout ? Vous dites qu’Idrissa Seck a des comptes à rendre aux Sénégalais. Pensez-vous que Karim n’a pas de comptes à rendre ou estimez-vous que des contes suffiront ? Vous vous permettez de dire que beaucoup de leaders de l’opposition ne valent pas plus que la chaussure de Karim Wade. Permettez donc que d’aucuns disent que vous ne valez pas plus que la chaussure de tel ou tel opposant. Eh oui ! La politique a ses lois. Quand on donne des coups, il faut s’attendre à en recevoir. Marabout et membre du Pds. Ce choix n’engage que vous. Il n’y a aucun « ndigël » à donner, d’autant plus que vous-même n’aviez pas respecté celui de Serigne Abdou Lahat en 1988.
Vous vouliez que Karim Wade soit maire de Dakar. Les électeurs en ont décidé autrement. Ey waay, Serigne-bi, acceptez la décision du peuple au lieu d’accuser Pape Diop. Votre guéguerre fratricide ne nous concerne pas et ne nous intéresse point.
Depuis neuf ans que Wade est au pouvoir, est-ce seulement maintenant que vous vous rendez compte qu’il doit aller vers les populations et régler les problèmes auxquelles elles sont confrontées ? L’idée serait néanmoins restée noble si vous ne l’aviez pas émise que pour gagner les prochaines élections. C’est malhonnête de ripailler pendant neuf ans, se retrouver dos au mur et penser qu’en réglant tardivement quelques problèmes, on sera réélu. Wade ne fait rien pour aider les Sénégalais, mais tout pour garder le pouvoir en attendant l’occasion de le remettre à son fils. Si vous croyez que nous jeter des miettes de ce qui nous appartient est « la clé du succès en 2012 », vous vous trompez, Mbacké Balla Aysa.
Permettez-nous de sourire, Monsieur le Marabout quand, dans votre très long discours, vous ne mentionnez Dieu que pour dire que c’est Lui qui a donné le pouvoir à Wade. Et vous déclarez sans sourciller que vous n’êtes pas là pour vos intérêts personnels. Etes-vous donc là pour ceux de Dieu, ceux du peuple ou ceux des Wade ?
            Parlant de vos relations avec Karim Wade, vous racontez : « lors de la levée du corps de son épouse, j’ai été le seul chef religieux à qui il a fait appel pour prononcer l’oraison funèbre. Et pourtant je n’étais pas le seul chef religieux sur place. Voilà une marque de considération qui m’est allée tout droit au cœur. Par ailleurs, durant toute la campagne électorale, il m’a toujours sollicité pour formuler des prières partout où j’ai été avec lui. » Ndeysaan ! Que c’est émouvant ! Serigne Touba, lui, a écrit : « Je n’ai pas l’habitude de fréquenter les monarques. Je ne nourris aucune ambition à l’égard de leurs richesses et ne cherche des honneurs qu’auprès du Seigneur Suprême. » « J’aurais honte que les anges me voient diriger mes pas vers un roi autre que Dieu. »
            Vous dites que vous n’êtes pas avec Karim parce qu’il est le fils du chef de l’Etat, mais « parce qu’il aime son pays et il l’a prouvé à travers ses réalisations. » Yaaram, remettez de l’ordre dans vos idées. Si on donnait des centaines de milliards de francs à n’importe qui, il ferait facilement mieux. Si c’est ça aimer son pays, pourquoi dénigrez-vous Idrissa Seck qui a relooké Thiès avec moins de milliards ? Et sachez, cher marabout, que si tout cet argent a été remis à Karim, c’est uniquement parce qu’il est le fils du chef de l’Etat, tout comme ceux qui vous suivent ne le font que parce que vous êtes de la famille de Serigne Touba. D’autre part, Serigne Modou, comment pouvez-vous vous opposer à la dissolution de la « Génération du Concret » tout en affirmant que c’est juste un mouvement pour soutenir le président Wade ? Le Pds, la Cap 21 et le « Sopi pour Demain » ne suffisent-ils pas ou faut-il absolument que le Prince soit chef d’un « parti » dans le parti ? En tout cas, nous pouvons supposer que si Karim vous invite à l’inauguration de la statue construite par son papa, contre la volonté du peuple, vous serez fièrement aux premières loges. Nous vous remercions quand même de nous avoir fait comprendre, sans doute inconsciemment, que les jeunes marabouts de Touba, dont un de vos frères, qui projettent de marcher le 2 décembre, sont des militants du Pds qui veulent que Wade respecte les promesses qu’il leur a faites, et non des patriotes qui défendent l’intérêt du pays. D’autres marabouts leur recommandent de retourner au « daara ». Permettez-nous, Serigne Modou Mbacké Bara Doly, de vous donner le même conseil : Retournez au « daara » pour méditer sur ces mots de Khadim (serviteur du Prophète), notre maître bien-aimé :

« Penche vers les portes des sultans, m’ont-ils dit,
Afin d’obtenir des dons qui te suffiront pour toujours.
Dieu me suffit, ai-je répondu, et je me contente de Lui.
Rien ne me satisfait si ce n’est la Religion et la Science.
Je ne crains que mon ROI et ne porte mes espoirs qu’en LUI
Car IL me protège et m’enrichit.
Comment mettrais-je mes affaires entre les mains de ceux
Qui sont incapables de gérer leurs propres affaires ?
Et comment la convoitise des richesses m’inciterait-elle
A fréquenter ceux qui ne sont que des suppôts de Satan ?
Si je suis attristé ou si j’ai une requête à présenter,
J’invoque le Propriétaire du Trône.
Il est l’Assistant et le Détenteur de la puissance infinie
Qui crée comme Il veut tout ce qu’Il veut.
S’il veut hâter une affaire, elle se réalise rapidement,
S’il veut l’ajourner, elle s’attarde un moment.
O toi qui me blâmes, ne va pas trop loin ! Cesse de me blâmer 
Car mon abandon des futilités de cette vie ne m’attriste point.
Si mon seul défaut est ma renonciation aux biens des rois,
C’est là un précieux défaut qui ne me déshonore point. »

Bathie Ngoye THIAM.


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