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MAIS POUR QUI SE PREND KARIM WADE ?

(Wal Fadjiri, 20 juillet 2009)

Samedi 18 juillet 2009, Karim Meissa Wade déclare : « Permettez moi au nom de la démocratie et d’un débat qui est un critère important dans notre pays d’inviter Ousmane Tanor Dieng à venir débattre sur Walf demain soir à 20h autour du sujet « sommet de l’OCI 91, sommet de l’OCI 2008 ».
Pour qui se prend ce garçon ? A-t-il besoin d’un débat télévisé pour dire aux Sénégalais où sont passés leurs milliards de francs ? Invité l’année dernière devant les représentants du peuple pour faire le bilan de gestion des comptes de l’Oci, le Prince héritier avait refusé « ba xalangu ci suuf ». Par la suite, le roi et ses courtisans ont liquidé le président de l’Assemblée nationale. Le peuple médusé n’a pu que s’en indigner. L’audit tant attendu de l’Anoci risque de ne jamais avoir lieu. Ce qui n’empêche pas le méga ministre, dont la seule compétence est d’être le fils du Président de la République, de prétendre parler au nom de la démocratie.
            Mais Tanor n’est pas assez fou et friand de se voir à la télé pour tomber dans un piège si puéril. Thione Seck a chanté : « Quand un enfant te dit « Viens, on va se lancer des pierres », c’est parce qu’il a une pierre dans la poche ou sous le pied. » Se croyant plus rusé qu’un lièvre, Karim semble persuadé que les Sénégalais sont des hyènes. Le Sommet 1991 est loin, très loin derrière nous et Tanor ne gérait pas 432 milliards de francs sans avoir de comptes à rendre. De plus, à l’époque, Karim n’était qu’un gosse de rien du tout. Ce qui nous intéresse, c’est le Sommet de 2008 dont il avait déclaré qu’il reste plus de 134 milliards de nos francs, alors que son bras droit, Abdoulaye Baldé, annonçait qu’il leur reste 97 (parfois, il disait 73) milliards non dépensés.
Tel un futur dictateur pressé d’accéder au trône, Karim impose le thème du débat, l’endroit, le jour et l’heure. La seule liberté qu’il accorde à son « adversaire » est le choix de la durée du combat, mais il ne lui laisse que vingt-quatre heures pour rassembler ses dossiers et ses conseillers, dans la journée du dimanche, quand les bureaux sont fermés, les travailleurs en week-end. On dirait un gouverneur colonial qui convoque un chef de canton. Dommage pour lui, nous ne sommes plus aux temps de Boroom Ndar.
De 2000 (quand le Sénégal a su qu’il existait) à 2009 (quand il a estimé que le pays doit être sous son contrôle), Karim s’était barricadé sous les grands boubous de son papa, laissant d’autres discourir à sa place. Bien au chaud au palais, il portait plainte contre quiconque osait parler de lui. Maintenant que d’énormes responsabilités lui sont confiées contre la volonté du peuple qui ne veut même pas en faire un maire, le voilà qui se croit Damel-Tègne, Bour Sine et Brak, avec un culot époustouflant. Il est facile de se sentir pousser des ailes quand on se voit au-dessus des autres et qu’on est entouré de laudateurs opportunistes. Mais la chute risque d’être surprenante et terrible.
Si les leaders de Bennoo Siggil Senegaal ont rejeté le soi-disant appel au dialogue de Wade-père, ce n’est pas pour accepter un simulacre de débat avec le fiston qui, de toute évidence s’est bien préparé depuis longtemps avant de lancer ce « défi » empreint de lâcheté. Un homme digne de l’être n’attaque pas par surprise. « Demain, dit-il, à vingt heures… Moi, demain soir, à vingt heures moins cinq, je suis là. » Pour lui, ce face-à-face avec quelqu’un qui n’est en rien son égal, serait l’occasion de s’imposer aux yeux des électeurs comme LE candidat du parti de son papa aux prochaines élections présidentielles. S’imagine-t-il déjà à la veille d’un second tour en 2012, avec Tanor, un des principaux ténors de l’opposition, comme adversaire ?  Je ne savais pas que les fantasmes sont héréditaires.
Même si Petit Njomboor avait invité Barthélemy Diaz pour se mesurer à quelqu’un du Parti socialiste, ce dernier, élu par les populations et non par son père, n’aurait sans doute accepté de descendre si bas que pour lui décrire les prisons où sont jetés ceux qui « dérangent » le roi. Prisons que lui, le prince qui dérange toute une nation, ne connait pas encore.
Un lutteur sans expérience n’entre pas dans l’arène pour affronter les champions. Il doit d’abord passer par d’autres lutteurs plus abordables. Oui, Karim, 2012 est proche, mais il ne faut pas brûler les étapes. Commencez par ceux de votre génération, mot que vous chérissez. Allez défier des jeunes comme Talla Sylla, Cheikh Bamba Dièye et autres, qui luttent héroïquement sans avoir les moyens de l’Etat et l’argent du peuple à leur disposition. Ils vous feront découvrir les dures réalités du pays, dans un langage que vous pourrez comprendre, s’ils trouvent que vous en valez la peine.
Et si vous voulez vraiment un débat télévisé qui pourrait attirer l’attention des Sénégalais, organisez un duel avec votre « frère » Idrissa Seck et, tous deux, vous nous expliquerez où sont passés les centaines de milliards dont on parle tant et dont on ne voit point la couleur. 

Bathie Ngoye Thiam


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