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BUSH S’Y CONNAIT MAL EN POLITIQUE MAIS IL S’Y CONNAIT BIEN EN PETROLE.

(LE SOLEIL, 14 février 2003
Wal Fadjri, 14 février 2003)

Pour ce qui ne le savent pas, George W. Bush, n’a pas de formation politique solide. C’est quelqu’un qui, comme son père, a fait fortune à la tête de la compagnie pétrolière Zapata, en exploitant notamment les forages en eaux profondes du Koweït. Il s’était lancé dans les affaires, en 75, grâce au pétrole.
Avant même d’accéder au pouvoir, Bush et ses acolytes avaient prévu de faire tomber Saddam Hussein.
Dès le 28 septembre 1998, le Congrès américain avait voté « l’Iraq Liberation Act » pour destituer le régime de Saddam Hussein sous prétexte de libérer le peuple irakien.
Signalons aussi que les Etats-Unis ont tenté d’organiser, dans l’ombre, deux coups d’état avortés contre Saddam Hussein. Que faut-il de plus pour qu’on parle d’ingérence… ?
Quant aux « faucons » de Bush, un faucon n’étant rien d’autre qu’un rapace inexorable, présentons-les sommairement.
Donald Rumsfeld est quelqu’un dont Henry Kissinger a dit : « De tous les despotes que j’ai rencontrés dans ma vie, Donald est le pire. » (Je pensais qu’il n’y avait pas de despotes chez les démocrates donneurs de leçons.) Son obsession est de renverser Saddam Hussein. « Terminer le travail », comme ils disent dans leur jargon.
« Le soir des attentats du 11 septembre, alors que George W. Bush s’interrogeait sur la décision à prendre, son secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, lui suggérait : « Pourquoi pas l’Irak ? » C’est lui qui a dit, en septembre 2002, concernant l’Irak : « L'absence de preuves n'est pas la preuve de l'absence d'armes de destruction massive. (…) Il y a des choses que nous savons que nous savons. Il y a des choses que nous savons que nous ne savons pas. Et enfin il y a ce que nous ne savons pas que nous ne savons pas. » Allez donc y comprendre quelque chose ! C’est ce que le loup dit à l’agneau.
Dick ou Richard Cheney, vice-président de Bush, était aussi dans les compagnies pétrolières avant son arrivée à la Maison blanche. Quelle coïncidence qu’il y ait tant de pétrole en Irak ! Tout comme Donald Rumsfeld, il méprise l’ONU et les accords internationaux.
Colin Powell, contrairement aux « faucons », est décrit comme une « colombe. » Il respecte la communauté internationale, ce qui ne facilite pas ses rapports avec Cheney et Rumsfeld. Et c’est pourtant lui que Bush a choisi pour présenter les fameuses « preuves ». Le pauvre !
Examinons ces « preuves » avant que le game ne soit over. Souvenez-vous qu’après le 11 septembre, Bush et son équipe nous avaient fourni beaucoup de « preuves » qui n’en étaient pas. Jusqu’à présent, rien ne nous prouve que ces attentats ont été commandités par Ben Laden. Les « preuves » américaines, nous commençons à les connaître.
Les inspecteurs déclarent : « Aucune activité nucléaire prohibée n'a été identifiée lors des inspections. (...) Nous n'avons, à cette date, trouvé aucun élément montrant que l'Irak a relancé son programme d'armement nucléaire depuis son élimination dans les années 1990. » A treize reprises, les Américains ont donné des indications aux inspecteurs. « Allez à tel endroit, vous trouvez ceci et cela. » A chaque fois ils ont été bredouilles parce que les informations étaient fausses. Mais Powell, le secrétaire d’Etat, parle de bacille du charbon. Il brandit alors un flacon. Tout le monde se dit : « Voilà enfin une preuve tangible. » Puis, on apprend que ce flacon contenait de la poudre de silicone fabriquée par la C.I.A. Monsieur Powell nous a au moins donné la preuve que des « preuves » se fabriquent aux U.S.A. Et ces camions et trains-laboratoires ? Alors là, c’est le comble ! Leurs satellites matraquent l’Irak autant que leurs avions bombardiers. Ils nous montrent en détail la piscine de Saddam Hussein. Les satellites qui auraient photographié ces « camions-laboratoires » devraient normalement pouvoir les suivre dans leurs déplacements et nous dire où ils se trouvent actuellement. Powell prétend qu’ils sont dispersés dans le monde, raison pour laquelle les inspecteurs ne peuvent pas mettre la main dessus. Qui peut y croire ? Il y a tous les jours, des camions arrêtés, ça et là, qui transportaient de la drogue sous des caisses de tomates, ou des immigrés clandestins, ou des armes mais, jusqu’ici, aucun camion-laboratoire n’a été intercepté. Des camions et des trains ne s’évaporent pas comme ça. Qu’on arrête de nous prendre pour des demeurés !
Il se peut bien que Saddam cache quelque chose, mais ce n’est pas pour cela que Bush veut l’attaquer. En dehors du pétrole, Bush a une autre motivation, personnelle. Il dit de Saddam : « C’est un type qui a essayé de tuer mon papa ! » C’est une histoire de famille qu’il veut rendre internationale. Et le peuple américain est tellement traumatisé depuis le 11 septembre que si Bush disait : « Nous devons attaquer Dieu parce qu’il constitue une menace pour notre sécurité et notre liberté », James Bond et Malko Linge trouveraient les « preuves » et beaucoup d’américains, plus Blair que certains journalistes anglais surnomment « le chien de Bush », se mettraient derrière lui pour lancer des bombes au ciel. Et dire que ce sont eux qui dirigent ce monde !
Depuis le 11 septembre, Bush cherche des liens pouvant unir les terroristes au régime de Bagdad. On disait même que Mohamed Atta, leader présumé des pirates de l’air aurait rencontré un membre des services secrets irakiens à Prague. Cette rumeur fut vite démentie. Encore une « preuve » américaine !
« Curieusement », disent les journalistes de Radio France, « l’Arabie Saoudite n’a jamais fait pas partie du fameux « Axe du Mal ». Pourtant, les liens entre le terrorisme islamiste et la monarchie wahhabite existent : 15 des 19 pirates de l’air étaient des citoyens saoudiens, les attentats du 11 septembre ont été en partie financés par des fonds saoudiens, Ben Laden est d’origine saoudienne… » Je leur réponds que Bush a déjà les dirigeants saoudiens dans sa poche, et leur pétrole à sa portée. Imaginez qu’il y eut, ne serait-ce qu’un seul Irakien parmi ces pirates. Quelques jours après les attentats du 11 septembre, le président Bush déclarait : « Nous allons commencer par nous occuper d’Oussama Ben Laden et de ses lieutenants d’Al-Qaeda, mais l’Irak est sur mon agenda. »
Des agents secrets américains et britanniques déclarent, dans l’anonymat (parce que ces démocraties exemplaires ne leur permettent pas de dire ouvertement la vérité), qu’il n’y a aucun rapport entre le régime de Bagdad et l’organisation Al-Qaeda. Pourtant Powell persiste et signe. Selon lui, des membres d’Al- Qaeda dont le chef serait un certain Zarqawi, auraient trouvé un « refuge sûr » en Irak. Nous savons tous que la plupart des Talibans et des membres d’Al-Qaeda se trouvent actuellement au Pakistan, déjà dans la poche de Bush. Y a vraiment à se demander pour qui ils nous prennent. Powell dit : « Zarqawi et son réseau fomentent des actions terroristes dans des pays qui comprennent la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la Russie. » (Là, il tente de faire comprendre aux pays cités qu’ils doivent s’allier aux U.S.A.). (...) Nous savons aussi que les collègues de Zarqawi sont actifs dans la vallée de Pankisi en Georgie, et en Tchétchénie en Russie. (C’est une manière bien explicite de dire aux Russes : « Faîtes votre boucherie en Tchétchénie, mais laissez-nous faire la nôtre en Irak.)
Et Ben Laden dans tout ça ? Ils nous passeront le prochain épisode au moment opportun. Il est bien probable qu’on « retrouve » sous peu sa trace en Iran, un des pays de « l’axe du mal » où il y a du pétrole, ou en Syrie, etc. Mais pour l’instant, il faut apeurer le peuple américain. On vient de lui dire que des attentats se préparaient. Comment les services secrets peuvent-ils le savoir ? Ils doivent donc avoir vu ou entendu quelque chose. Ils passent souvent ce genre « d’information ». Mais comment se fait-il, qu’eux, qui semblent si bien informés, n’arrêtent pas les auteurs présumés ? Croyez-moi, c’est juste pour donner le champ libre à Bush dans ses manœuvres guerrières. Ne soyez donc pas étonnés s’ils font exploser une bombe quelque part ou s’ils « capturent des terroristes envoyés par Saddam. » Ils en ont besoin pour faire adhérer l’opinion américaine à leur « cause ».
Des pays comme la France disent qu’il faut donner plus de temps aux inspecteurs, cela peut signifier : « Puisque le roi Bush veut envahir l’Irak et détrôner Saddam, nous ferons la guerre, mais il nous faut une raison plus ou moins plausible. Et c’est aux inspecteurs de la trouver même si cela doit prendre vingt ans. » Chacun ne voit que ses intérêts, et le pétrole est bien tentant. « Un changement de régime en Irak est dans l'intérêt du monde », dit George W. Bush après avoir bien fait comprendre aux Français et aux Allemands qui semblent indécis, que s’ils ne participent pas à la partie de chasse qui est de tuer des Irakiens, ils n’auront pas leur part du gibier qu’est le pétrole.
Envoyer des Casques Bleus pour détruire les armes irakiennes, ne fera que faciliter le « travail » de Bush, qui de toutes les manières attaquera.
Et nous, Sénégalais, dans tout ça ? Notre Idy national a dit que le Sénégal n'est pas à l'abri des chocs, qu'ils se produisent en Irak ou ailleurs dans le reste du monde. « Si la guerre intervient en Irak, le prix du pétrole flambera, et nous le ressentirons tout de suite. Si la guerre se déclare en Asie, n'oubliez pas que c'est par là que passe le riz dont nous nous nourrissons chaque jour … le Sénégal demeure impliqué dans la recherche de solutions à différents conflits…c’est là tout le sens de (...) la surabondante activité internationale du président Abdoulaye Wade. » Je ne cherche pas à dénigrer notre Idy mais je tiens à ajouter ceci : ne voir que le prix du pétrole qui risque de flamber ou la carence de riz, c’est nous réduire à la bestialité. Il s’agit de défendre des droits fondamentaux. La raison doit parler avant tout intérêt, Monsieur notre Premier Ministre qui nous avez récemment montré à quel point vous connaissez le Coran, ce dont je vous félicite au passage. Nous avons des valeurs que le riz et le pétrole ne doivent pas nous faire oublier. Le peuple sénégalais aimerait savoir quel est la position du gouvernement de ses espoirs face à ce « conflit ». Que le Sénégal fasse entendre sa voix car qui se tait consent.
Nous sommes pauvres et faibles mais nous militons pour le droit et la justice. Dans cette « guerre » indécente, il serait inadmissible que le Sénégal envoie des troupes. L’Amérique qui veut nous mettre à sa remorque, est le pays de la peine de mort, assassinat légalisé dans lequel Bush a battu des records, celui des travaux forcés, celui qui a refusé les accords de Kyoto, celui qui vend des mines antipersonnelles, armes de destruction massive qui tuent et handicapent des millions d’individus sur cette planète, celui qui a refusé de baisser les prix des médicaments contre le sida. Et selon les journalistes, « l'embargo international qui frappe l'Irak depuis 1990 constitue en lui-même une cause de violations systématiques des droits de l'Homme…»
Monsieur Idy, dîtes-nous clairement quelle est la position du Sénégal.
Bathie Ngoye Thiam.


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