QUI PEUT ARRETER KARIM WADE ?
(20 avril 2008)
Quand Idrissa Seck, dans un de ses fameux Cd, disait qu’un ami du président lui avait confié qu’un jour viendra où le fils d’emprunt devra céder la place au vrai fils, cela nous faisait sourire. Je me disais qu’il délirait complètement, mais il avait raison, le bougre. Qui l’eut cru ? C’était au delà de notre imagination. Par la suite, le jeune Pape Moussa Samba, dans son livre « Le Président Wade ou Le Génie Solitaire » (Editions CJFB) écrivit : « Le peuple sénégalais, qui vient de se libérer du joug colonial il y a à peine 46 ans, est-il prêt à être dirigé par un Métis marié à une Française ? » J’avais cru qu’il allait trop vite en besogne, ne pouvant conférer au fils biologique du président l’ambition de diriger ce pays. Je m’étais trompé. La dynastie Wade veut bel et bien s’imposer, c’est un constat qui crève les yeux. Pour ce qui est de la race, les courtisans sont montés au créneau, criant à tout vent que Karim est un Sénégalais comme les autres. Mais Karim n’est pas plus sénégalais que Haïdar El Ali… Ce dernier est un homme d’action qui ne se targue pas de faire du concret. Né à Louga en 1953, ce citoyen lutte sans relâche pour faire avancer ce pays dans lequel il a grandi, et s’est lancé dans la politique pour mieux le servir. Seulement, il est d’origine libanaise… et c’est son handicap. Qui a-t-on entendu rabâcher que Haïdar est un Sénégalais comme les autres ? Karim (né en 1968 à Paris) n’a pas de souci sur ce plan parce que son papa est roi et œuvre pour lui léguer le trône. Regardez comment il lui balise le chemin vers le sommet. Aucun ministre ne fait le poids devant le Prince. Papa lui confie plusieurs milliards pour préparer le sommet de l'Oci, nous trouvons cela normal. Il gère des privatisations, des appels d'offre, des investissements, nous trouvons cela normal. Il crée un « parti politique » au sein de celui de son papa, nous trouvons cela normal, pire certains prétendent qu’il n’en est rien tout en restant incapables de dire ce qu’est ce machin dénommé « Génération du Concret ». Un patient disait à son médecin : « Je vois toutes les nuits un caïman dans ma chambre. » Le médecin lui prescrivit des somnifères, croyant qu’il était victime d’hallucinations. Un beau jour il apprit que son patient a été dévoré par un caïman pendant qu’il dormait. N’ayons pas peur de reconnaître les évidences. D’aucuns trouvent que l’on parle trop de Karim, mais comment se taire. Il est au cœur de la gestion des affaires de ce pays alors qu’il n’est même pas membre du gouvernement. C’est comme avoir un serpent venimeux ou un caïman dans sa chambre et vouloir ignorer sa présence. Le danger étant là, la vigilance s’impose.
Le problème de Karim est de conquérir les masses populaires. Tâche ardue. Mais petit à petit le bonhomme fait tranquillement son chemin, sous l’aile protectrice de papa. Il a égalé Idy, avec ses chantiers. Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, il y aura toujours des gens pour vous répondre « Oui, mais Idy a « travaillé » Thiès. » Et cela leur suffit. De même, vous entendrez : « Mais n’avez-vous pas vu tout ce que Karim a fait à Dakar ? » Eh oui ! Ça aussi, c’est le Sénégal et ce n’est pas demain que les mentalités vont changer. Le prince héritier a bien appris ses leçons. Déjà, les opportunistes de tous bords se bousculent derrière lui pour se positionner, et nos oreilles s’habituent aux « sous le haut patronage de monsieur Karim Wade ». Il ne lui reste plus qu’à mettre les marabouts dans sa poche. Les marabouts sont incontournables. Qui n’accepte pas cette évidence se fourre le doigt dans l’œil. Même un régime militaire aurait à s’y accommoder. On ne peut pas contrôler le peuple sénégalais quand on n’a pas de bons rapports avec ces marabouts. Cela changera peut-être dans quelques décennies, mais pour l’instant, c’est ainsi. Et nous, les mourides, sommes connus pour notre foi dite aveugle, notre amour pour nos guides spirituels et notre soumission aux « ndigueul ». D’aucuns n’y voient que du fanatisme. Pour atteindre les « taalibe », la voie la plus courte et la plus sûre est de passer par les « Seriñ ». Wade-père connaît bien cela et sait comment s’en servir. Nombreux sont ceux qui ont voté pour lui juste parce qu’ils l’ont vu, à la télé, accroupi devant le vénérable Serigne Saliou.
Wade-fils a essayé de suivre ses pas, mais ce ne fut pas facile, les populations ayant du mal à l’adopter. Des marabouts s’étaient même opposés à une de ses visites à Touba. Il lui fallait donc y mettre les gros moyens. L’artillerie lourde fut sortie. Avec de l’argent qu’il a gagné, je ne sais comment, Karim bombarda Touba de tonnes de riz, de moustiquaires, de litres de carburant, et arrosa avec 50 millions de francs les fondations de la mosquée mouride prévue à Dakar, sans négliger les billets pour la Mecque qu’il distribue avec une générosité calculée. Cela ne suffisant pas, il a fait son « jebbëlu » auprès du Khalife général des mourides, et son bras droit est devenu gendre du saint homme. Qui dit mieux ? Si karim, « taalibe » de Serigne Bara, et Baldé, époux de la fille de Serigne Bara, descendent à Touba, qui va oser les huer, même s’ils marchent sur les ventres des Sénégalais tenaillés par la cherté de la vie ? Personne. Le territoire est désormais conquis. Bravo ! Voila enfin du concret ! Touba ne peut plus refuser Karim Meissa Wade et sa clique. Bientôt des musiciens se mettront à composer des chansons à leur gloire et un marabout bien repu déclarera qu’aucun « taalibe » n’a fait autant que Karim et son père pour Serigne Touba.
Faut arrêter de se voiler la face. La maturité politique n’est pas encore au rendez-vous. Faisons avec nos réalités actuelles. On vote pour untel parce qu’il est de la même caste, de la même ethnie ou de la même confrérie ou parce qu’on y trouve un intérêt matériel immédiat. Karim n’a ni caste ni ethnie, mais il est devenu « taalibe » mouride et a des milliards de nos francs à dépenser. Il a certes le droit de faire son « jebbëlu » à qui il veut, et Baldé celui d’épouser la fille de qui il veut. Là n’est pas la question. Des gens de très mauvaise foi parlent de Bush-père et Bush-fils, Bill Clinton et Hilary. Ha ha ! Comparons ce qui est comparable. Entre Bush-père et Bush-fils, il y a eu les deux mandats de Clinton, et entre Bill et maintenant, les deux mandats de Bush. Si aujourd’hui un fils d’Abdou Diouf venait se présenter pour prendre le pouvoir, nul n’y verrait à redire. Les Wade ne sont comparables qu’aux Eyadema et autres monarques du même acabit. Qu’on se dise la vérité, si Wade-père n’était pas président, nous n’aurions sans doute jamais entendu parler de Wade-fils. Il a mis l’appareil d’Etat à la disposition de son fils : son parti, son gouvernement et l’argent du pays. C’est ça qui n’est ni démocratique ni loyal, mais bien royal.
On se demande alors qui peut arrêter Karim ?
Macky Sall peut être un sérieux rival pourvu qu’il ait le courage de quitter le Pds pour créer son propre parti ou entrer dans une autre formation.
Idy doit se démarquer de Wade, mettre sa « ngéwélitude » en exergue et se montrer en compagnie des marabouts qui sont déjà bien implantés au lieu de vouloir se faire passer pour un « mara », sans oublier de partager le butin. Il doit remplacer ses versets de Coran par des paroles du style « Mon grand-père, untel, griot de tel roi, disait … » Cela poussera bien des griots à le soutenir. Nous en sommes encore à un stade où il faut tromper le peuple, le piéger dans ses croyances pour acquérir le pouvoir ou le garder. Chez nous, tous les coups, toutes les manipulations, toutes les ruses, trahisons et mesquineries ont droit de cité. Chirac avait raison : l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie.
Les Niasse, Bathily, Dansokho et autres vétérans doivent laisser des jeunes bien déterminés prendre la relève, et se contenter de les conseiller. Des gens comme Talla, Barthélémy, Cheikh Bamba, etc., pourraient bien changer la donne si, entre temps, le peuple ne s’approprie pas la Marseillaise…
Bathie Ngoye Thiam.